Ça s’en va et ça revient…

Nous voilà donc reconfiné-e-s… Pour un certain temps, probablement, au gré des chiffres et des décisions politiques, de l’approche du visiblement sacrosaint « Noël en famille »… Un « confinement » plus ou moins flexible, où l’on a presque l’impression que le masque dès la sortie de chez soi, les attestations justifiant le motif de déplacement et les chiffres toujours plus hauts de contamination, d’hospitalisation et d’admission en réanimation sont le nouveau « normal ». Il commence a être compliqué de se rappeler l’insouciance dans laquelle nous vivions l’an passé, serré-e-s comme des sardines dans des concerts, serrant la main de nos interlocteur-ice-s, en organisant des réunions de promo après les examens pour partager les cadeaux du Père Noël Mystère…

Dans le milieu professionnel de la psychologie et de la psychiatrie, les impacts du premier confinement ont à peine eu le temps d’être repérés, intégrés, et travaillés avant que ce deuxième confinement ne soit annoncé. Les conséquences de celui-ci d’ailleurs, notamment de l’incertitude qui l’entoure, sont craintes par les professionnel-le-s du secteur. Sans compter l’impact dramatique sur les soignant-e-s, qui sont en première ligne, avec les moyens du bord, à faire avec ce qu’iels ont à disposition. Je pense aussi à mes collègues, avec qui je reste en lien depuis mon stage, qui sont à nouveau réquisitionnées.

Il semblerait donc que le monde ne soit pas au meilleur de sa forme, même si l’espoir est tout de même permis. C’est sûrement mon côté « Bisounours », mais je reste convaincu du pouvoir de la persévérance, de la résilience, de la bienveillance. Que ce soit au niveau individuel ou de masse, même si le regroupement d’individus tend à faire baisser les capacités de raisonnement des individus en question, je pense que ces graines existent chez chacun-e. Elles sont (très) bien cachées chez certaines personnes, je n’en fais pas non plus une règle absolue, mais on touche ici probablement à une de mes croyances fondamentales. Qui est aussi, probablement, celle qui m’a fait choisir ce métier, celle qui me fait faire tout ce que je fais. Celle qui m’a permis d’avancer malgré un parcours de vie… chaotique. Mais je ne me suis pas assis devant mon clavier pour parler de ça, initialement.

J’ai lu récemment une étude de Nisticò et collègues (2020)1, qui cherchait à investiguer l’impact psychologique du confinement sur les personnes autistes sans déficience intellectuelle associée. Je l’ai lue un peu par hasard, enfin plutôt je suis tombé dessus par hasard et cela m’a intéressé.

Il est donc question d’évaluer, chez des adultes autistes sans déficience intellectuelle associée (SDI, pour aller plus vite), des symptômes de type anxio-dépressif et de syndrome de stress post-traumatique, en Italie, lors des deux premiers mois de l’épidémie. Il était également demandé aux participant-e-s d’évaluer à quel point le confinement avait impacté leur vie quotidienne, ainsi que leurs tendances à contacter des personnes avec qui iels n’avaient pas eu de contact depuis longtemps. Leurs résultats étaient comparés à un groupe dit contrôle, c’est-à-dire à un groupe dans les normes, qui remplissait les mêmes mesures.

J’ai voulu en parler aujourd’hui puisque les résultats de cette étude me semblent intéressants. En effet, les personnes autistes SDI ont rapporté un faible impact du confinement sur leur vie quotidienne et elles ne présentaient pas non plus de tendance à contacter plus de personne,s y compris des anciennes connaissances, pour rompre leur isolement. Au contraire, les personnes exprimaient même un impact positif des mesures mises en place, notamment des mesures de distanciation physique, qui peuvent être un vrai plus au niveau sensoriel notamment.

Néanmoins, les résultats des autres tests montrent que les personnes autistes présentent des niveaux de stress, d’anxiété, de symptômes dépressifs et/ou de stress post-traumatique plus élevés que le groupe contrôle. Ces taux plus élevés, sont, comme le notent les auteur-e-s, cohérents avec d’autres résultats. La pandémie et le confinement ne semblent donc pas nécessairement être des évènements plus stressants dans la vie des personnes autistes, lorsque celles-ci peuvent garder leurs routines et leur environnement. C’est d’ailleurs un point important à souligner, puisque des personnes en institution qui perdent leur repères quand celles-ci ferment pour une durée indéterminée, il y en a aussi beaucoup.

Comme je l’avais déjà évoqué, c’est presque même, pour la majorité des personnes que je connais, en tout cas, presque confortable. Moins de sollicitations, moins de bruits, moins d’invasion sensorielle lors des sorties (des courses par exemple), des démarches facilitées (passage aux démarches dématérialisées, parcours fléchés dans les administrations et autres bâtiments, etc)… Malheureusement, le retour à une semi-normalité peut aussi être brutal. Personnellement, par exemple, je me force à aller au marché, ou à faire les courses (évidemment, de manière raisonnable) pour ne pas perdre cette habituation à tout ce qui est compliqué pour moi.

Ce que souligne cette étude, c’est surtout que COVID ou pas, les personnes autistes SDI présentent des taux de symptomatologie anxio-dépressive et de symptômes associés au stress post-traumatique qui sont supérieurs à la normale. Cela peut avoir de nombreuses sources, qu’elles soient biologiques, comme l’hypothèse d’une vulnérabilité génétique; environnementales, comme l’accumulation d’évènements stressants, le manque de soutien social, etc… Néanmoins, le fait est là et je postulerais pour ma part que vivre dans un environnement très peu adapté à ses particularités y est sûrement aussi pour quelque chose.

Les autrices tirent comme conclusion que les personnes autistes SDI seraient presque protégées des effets négatifs du confinement parce qu’elles sont tellement confrontées à l’isolement social qu’elles y sont habituées.

Est-ce qu’il faut s’en réjouir? C’est à méditer…



1 Nisticò, V., Gambini, O., Faggioli, R. & Demartini, B. (2020). The psychological impact of COVID-19 among a sample of Italian individuals with high-functioning autism spectrum disorder. Preprint, doi: 10.21203/rs.3.rs-47184/v1, lisible ici : https://www.researchgate.net/publication/343147943_The_psychological_impact_of_COVID-19_among_a_sample_of_Italian_individuals_with_High_Functioning_Autism_Spectrum_Disorder

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